Carnet de bord – jour 71 par LUCE

Question de couleurs

Couleurs ou contrastes? Noir ou blanc l’absence? Questions de filtres ou de sensibilité ? D’un certain regard, cela a fait débat autour de moi…  

je voulais préciser alors en regard 

justement à mon dernier carnet de bord qu’il n’était qu’une perception poétique en rien scientifique d’un libre esprit flottant lui aussi parfois au sommet du mât…

Je disais donc, couleurs, contrastes, ombres et lumières, espaces, vide, pleins et déliés, fins et lourds caractères…  comme des outils de travail changeants d’une mise en page ou d’une mise en scène… et comme dans ‘Paddling in the wind’  tout à bord est bien présent, ce, qui devrait, de sens, créer le renouvellement… Rien pourtant ici, ne semble plus changer sinon nos perceptions justement.

S’offrir plus encore cette perception de nous ou rester figés dans ce temps qui est comme le dit ‘Capi’ dans cette pièce si proche de la réalité… néant?

C’est qu’il s’étire ici le temps, il n’en finit plus de s’étirer…  Nous avons infiniment, celui de se chercher, de se trouver… Se respirer d’un peu plus près et partager ce que nous sommes. Oui, que de temps pour panser et repenser à ceux qui sont déjà passés. À ce présent composé mais surtout à ce qui est devant et nous attend.

Présentement, l’impression d’avoir fait le tour des nuances de bleus de cet immense Océan. De ces espaces liquides qui semblent n’être aujourd’hui plus qu’une interminable et solide barrière nous séparant des couleurs de la terre. 

La patience s’écoule lentement, mais si sûrement…

Qu’en est-il pour elles sur leur planche si près de leur but quand de Noumène elles s’échappent? Quand elles s’évadent? 

Comme je les envie en musique de s’en extraire pour une heure toute entière si souvent, je n’ai hélas, pas cette chance du moins physiquement. 

Alors je rêve…

Comme lors de cette longue sieste dans l’étouffante chaleur d’une pointe avant qui manquait d’air. Je venais en ce rêve éveillé d’apprendre, à l’issue de la réunion hebdomadaire, le nouveau planning des équipières…

Cette réunion permet à chacun de relever précisément tous les dimanches les points positifs et ceux plus négatifs si besoin est de la semaine écoulée. Mis à part pour Tim pour qui tout est comme il dit toujours ‘tranquille’. Elle permet aussi une fois par semaine de se réunir avec plaisir à la même table, garçons et filles autour de bons produits basques ou landais… Les rameuses ayant porté dans leurs bagages confits de canard et Pata Negra pour réjouir à bord nos papilles. Et depuis Jérémie nous avons du foie gras aussi qui sublime à merveille les bons pains d’Élodie.

Une réunion donc, afin d’au mieux débattre du ressenti de chacun, du bien et du mal de la semaine passée pour tenter améliorer la  prochaine aux abords et sur Noumène. Pour le bien être de cette expédition comme de tout un chacun pour sa bonne réalisation… 

Les discussions peuvent porter par exemple sur la distance acceptable entre la rameuse et le bateau afin d’au plus vite la rejoindre en cas d’urgence… Car certaines aiment surfer loin où peut les mener la houle du grand large.

Parfois aussi, les échanges portent sur des sujets plus légers comme des miettes de pains… parfois encore sur le nombre de tranches entières restant à diviser… en tier de quartier… et parfois même, quelques madeleines épleurées viennent s’y mêler….

Nous venions tout juste de récupérer au large du village et dans la joie de tous, nos playlist connectées. Forts inutiles cependant pour notre escale car la musique locale est elle aussi montée à bord avec Jérémie.  Passée la joie des retrouvailles vint celle de belles rencontres de belles personnes. Puis celle musicale de ces femmes et ces hommes toutes et tous exceptionnels prêts à tout pour aider et un bel accueil nous réserver. Un village, une école, une association, des familles, des mamasitas, des enfants, une cuisine fraîche colorée si fleurie et parfumée pour enchanter notre escale d’une matinée festive prolongée en soirée sur les trampolines et sous le ciel d’Hao à nous offrir un bien chaleureux aperçu de l’incroyable hospitalité d’un atoll perdu des Tuamotu. Merci à tous les habitants de Taputapuanini, petits et grands, les expatriés de passage et ceux aussi qui y vivent sur leur bateau. Ce sont vos sourires aussi qui donnent l’envie de continuer et j’espère un jour revenir. À un de ces jours peut-être chère Kerina, encore merci à toi et Magnolia.

Le lendemain nous avons quitté ce bel atoll arqué dit l’île Harpe par une passe agitée mais rechargés de l’énergie que vous nous avez toutes et tous transmis. Pour ça aussi, mille MERCIS. 

Les quarts de jour depuis comme de nuit s’éternisent… Heureusement, les musiques choisies sont de bonne compagnie. 

Tout est à présent comptabilisé… Mais moi, je ne sais pas compter, n’ai, d’un continent l’autre, de loin en loin aucun records à graver… ni dans la pierre, ni dans l’Océan, juste envie maintenant comme le dit si bien la chanson de prendre pour un temps mon baluchon et celui enfin de découvrir ces vies insulaires pour finir la saison. Puis revenir au cabanon loin de tous démons.

Mais d’ici là, pour le succès et la sécurité de cette expédition à l’instar des jeunes algues qui sous la coque… et bang, un puissant bruit percutant soudain me réveilla alors que la team toujours aussi soudée dans le port la nettoyait. 

Quel plaisir de se réveiller dans une pointe avant bien aérée et si bien ombragée. Plus d’odeur nauséeuse, le vent de face la pénètre pleinement se posant sur les choses comme une main légère qui vraiment apaise effaçant tous malaises et accompagnant si bien mes rêves les plus lointains…

Noumène était fin prêt parfaitement avitaillé, plus léger, et débarrassé d’un certain poids pour au mieux sur l’eau glisser et continuer tous ensemble l’aventure…

Nous verrons bien vaille que vaille ce qu’adviendra pour mener à bout ce rêve d’aventurières que portent en elles certaines  rameuses depuis plus de trois ans.

Une aventure qui use oui, et parfois l’on cherche une évasion dans la lecture, dans l’écriture ou dans ces belles voix. Elles se perdent de nouveau dans  l’irrésistible attrait de l’horizon tout  insaisissable qu’il soit. Heureusement bientôt s’y profilera le beau relief de Moorea.

Il y a de belles lectures à bord… tant de livres intéressants sur Noumène qui passent de mains en mains et maintes pages encore à découvrir que l’on aurait presque envie de rester pour mot à mot les parcourir…

Voici quelques beaux titres et extraits pour vous donner un bref aperçu :

J’ai bien aimé Jørn Riel et ses récits nés de nombreuses années de vagabondages. Ce sont dit-il ‘des racontars d’une vie de voyages, ou, peut-être, un voyage dans ‘Une vie de racontars’’…

J’ai adoré ‘l’île des Gauchers’… De ces îles qui ouvrent à de multiples possibles et rendent l’Amour si fertile. …

L’approche des premiers Atolls du Pacifique avec ‘La vie sexuelle des cannibales’ nous aide à imaginer leur contour si plat d’un peu plus près et donne parfois l’irrésistible envie de prendre un peu de fraîcheur et davantage de hauteur.

Bien sûr à l’aller tous les Moitessier du bord y sont passés et l’on se dit que prendre, comme lui, toute une vie, le temps, d’une île l’autre, découvrir quelle est la nôtre est une chance. La chance de trouver son Alliance…

Aurai-je le temps de me plonger dans l’essai philosophique de Théophile Carrau qui tente de réponde à une question toute simple dit-il avant de débarquer ? Je garde le meilleur sûrement pour la fin… ‘Comment orienter notre vie à partir d’une conscience de sa propre ignorance’…

Voilà, elle est proche maintenant la fin… Itziar imagine chaque jour combien de relais il lui reste avant l’arrivée. D’autres décomptent leurs nuitées… Il sera temps pour moi à Moorea, ne plus rêver naviguer sur le bateau des autres, me rapprocher des baleines plutôt que de m’en éloigner et me prendre enfin pour une sirène plutôt que de ne faire que l’imaginer. 

Quelques remerciements d’usage car deux beaux ‘voyages’ en mer prennent fin et je pense que ce carnet sera le dernier. 

En premier lieu mes pensées vont à l’équipage du convoyage aller qui fut une première sur cette longue traversée de n’avoir jamais eu l’envie de débarquer avant l’arrivée. Il y avait pourtant 2 îles en chemin… Merci à toi Patchi pour tes airs de trompette et ces bouffées de rires partagées au vent arrière du bateau. Cette fin d’année et naviguer avec vous quatre était vraiment chouette. J’espère rester, comme pour moi vous l’êtes, un bon souvenir. Le plaisir partagé d’avoir à temps ensemble mené à bon port cette barque était très fort.

Quant au retour vers Moorea si je ne gardais qu’une couleur, elle serait profonde et lumineuse comme peut l’être l’Océan une nuit de pleine lune… Savoureuse aussi même si, je ne l’ai goûté qu’avec parcimonie. Et si je ne gardais qu’une seule de ces saveurs, ce serait celle du bonheur même si parfois épuisée, il s’évaporait. Celles très matinales associées au premier café dans la douce lumière du jour qui se lève resteront gravées… Merci Princesse Abascal pour ta naturelle et constante bienveillance à mon égard et pour ces cafés si bons car à merveille ils accompagnent le soleil dépasser l’horizon.

Viens découvrir quand tu veux celui des Lofoten qui parfois ne se couche jamais, tu vas l’adorer!

Noir ou blanc disais-je… nuit ou jour. 

Saviez-vous qu’au-delà du cercle arctique il n’y a pas l’ombre d’une nuit en été?  Que l’hiver est nommé nuit polaire et que le ciel danse et s’illumine de roses et verts?

C’est la dernière des aurores… la seule qu’il manquait à bord, celle que l’on nomme chez moi boréale. 

Avez-vous trouvez les autres?

Ici, de lune à l’autre, la palette des couleurs est des plus complète. Son éternel dégradé zinzolinant si varié grâce aux enfants petits et grands, qui en plus d’être les vents qui nous portent sont le moteur de cette expédition pas comme les autres. Vous êtes en chaque arcs-en-ciel qui, de bâbord à tribord si bien nous colorent. Dans la clarté même de cet arc-en-ciel lunaire, c’était le premier que je voyais. Merci d’exister optimist et super-optimist! Comme elles c’est en vous que je puise quand elle me quitte, la force pour continuer.

Merci à mon Amour de viking de n’être encore à l’avenir point surprit de me voir repartir la veille pour le lendemain pour quelques temps en mer quand elle appelle ces longs hivers, même si, sois rassuré, je suis pour un temps vaccinée… 

Merci aussi, à Alex, la cheffe de projet et à Magali qui dans l’ombre parmi d’autres que je ne connais point en font tant à terre et qui toujours, comme Patrick, le médecin sont à distance disponibles quand on en a besoin. 

Merci à ceux et celles qui toujours sourient de bon cœur et enfin au Capitaine d’avoir tenté au mieux d’alléger et rendre plus fluides ce convoyage aller et cette longue expédition qui resteront comme demeure l’Océan, magiques

Je vous souhaite tout le bonheur dans ce vaste et merveilleux monde qui nous ouvre et nous tend ses bras, n’est-ce pas?

Titres et auteurs des livres cités : Jørn Riel ‘Une vie de Racontard’

Martens Troost ‘La vie sexuelle des cannibales ‘ à la dérive dans le pacifique sud

Théophile Carrau ‘La conscience de l’Ignorance’

Et de Bernard Moitessier  ‘Tamata et l’Alliance ‘ ‘Le vagabond des mers’…

LUCE

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